Le Déni
"Ils sont au pouvoir,
elles sont au service"

Rapport d’information du sénat n°101 (2016-2017) : La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ?

Entretiens du 15 avril 2016, de Chantal Jouanno, présidente de la délégation aux droits de femmes et , rapporteure, avec Maud Amandier (Agnès de Préville) et Alice Chablis (Sabine Sauret).

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Débat sur le rapport d’information de Chantal Jouanno, fait au nom de la délégation aux droits des femmes du Sénat, Intervention d’Agnès de Préville et de Sabine Sauret, 12 janvier 2017

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Chantal Jouanno, présidente . - Merci pour votre présence. Nous poursuivons avec vous nos travaux sur les femmes et la laïcité. Nous avons abordé cette question sous différents aspects, notamment dans le sport. Nous avons aussi choisi d'envisager ce sujet à travers la place des femmes dans les religions, domaine plus difficile à traiter, le politique n'étant pas nécessairement très à l'aise lorsqu'il parle de la religion. L'ensemble des auditions que nous avons menées fera l'objet d'un rapport d'information qui permettra à la délégation aux droits des femmes d'exprimer clairement ses positions sur ces différents sujets. Notre but n'étant pas de nous focaliser sur une religion en particulier, nos entretiens et recherches concernent tous les cultes ; la table ronde que nous avons organisée le 14 janvier 2016 réunissait des personnes soucieuses de défendre la place des femmes et qui étaient issues de différentes religions. Alice Chablis . - Au cours du travail que nous avons conduit pour comprendre quelle était la place des femmes dans la religion catholique, nous avons enquêté auprès des femmes. Leur parole nous a paru contrainte : elles ne voulaient pas parler ou bien nous demandaient de ne pas faire état de leurs propos. Leur parole ne pouvait pas être publique.

Maud Amandier . - Nous avons interrogé des femmes catholiques de différentes générations et nous avons fait le même constat. Leur parole était compliquée. Certaines sont passées, pour répondre, par un prêtre. C'est pourquoi nous avons lu et analysé un corpus de textes très important - les textes du Magistère (écrits des papes, textes des conciles), le catéchisme de l'Église catholique et le droit canon - dont se dégagent une cohérence et une structure qui séparent les sexes.

Alice Chablis . - Deux canons déterminent la structure sociale de l'Église. Le canon 1024 dit que « seul un homme baptisé reçoit validement l'ordination sacrée » et le canon 129 que « seuls les ordonnés sont capables d'exercer le pouvoir de gouvernement dans l'Église ». Les femmes n'ont donc pas la capacité de gouverner, de parler, ni de célébrer. L'institution catholique est un monde d'hommes qui vivent entre eux. L'homme est la norme du droit de l'Église. Le problème est que la puissance de l'Église dépasse le cadre de son institution. Par sa puissance politique, son aura médiatique et sa force de lobbying , elle influence encore énormément nos sociétés au plan national comme international, jusqu'à l'ONU. Les stéréotypes qu'elle a façonnés sont capables encore aujourd'hui d'influencer les politiques.

Maud Amandier . - Tous les textes que nous avons consultés sont des écrits d'hommes. Cela fait deux mille ans et quatre-vingt générations de chrétiennes que les hommes disent aux femmes la place qu'elles doivent avoir. Brigitte Gonthier-Maurin . - Les femmes n'ont-elles pas du tout écrit ? Maud Amandier . - Pas dans le registre officiel. Il y a quelques femmes docteurs de l'Église, depuis peu de temps. Le Magistère est constitué par les écrits des papes, le catéchisme et le droit canon. De plus, les 1 752 canons du code de droit canonique concernent principalement les hommes et les clercs. Il faut en faire une lecture intégrale pour voir le système qui en découle.

Alice Chablis . - Dans l'Église catholique, le genre féminin est décrit essentiellement par des récits et des mythes. Curieusement, il est intéressant de constater que les représentations des femmes par l'Église catholique rejoignent des stéréotypes que l'on retrouve, par exemple, dans la publicité. Sont mises en avant les mêmes différences entre hommes et femmes, les mêmes qualités « essentielles » qui seraient « naturellement » féminines comme la douceur, la disponibilité, l'intuition, le dévouement... L'Église continue donc d'exercer une influence plus importante que l'on ne pense dans le domaine sociétal.
À titre d'exemple, rappelons que le Saint-Siège, autorité morale souveraine, indépendante des États, a le statut d'observateur international permanent à l'Organisation des Nations Unies (ONU), avec un statut particulier qui lui permet de ne pas ratifier les conventions internationales. La diplomatie vaticane met l'accent sur la « dignité » de la personne humaine comme fondement du droit international. Elle élude les notions de liberté et d'égalité qui fondent pourtant la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ».

Maud Amandier . - Un enjeu politique essentiel pour l'Église aujourd'hui, sur les plans national et international, là où elle exerce toute son influence, c'est le contrôle du corps des femmes et la sexualité. Du fait d'une certaine obsession de la sexuation et du corps des femmes, on trouve dans les écrits et la politique du Magistère une double injonction permanente : être vierge et mère à la fois, ce qui est impossible.
Ne pouvant plus nier les avancées en matière de droits des femmes, l'Église les contre d'une autre manière, notamment en utilisant une rhétorique flatteuse : les femmes seraient particulièrement serviables, plus sensibles, auraient une meilleure capacité d'écoute. Mais c'est une fausse valorisation, car la complémentarité des sexes est sans cesse mise en avant, ce qui permet de masquer l'état d'infériorité dans lequel les femmes sont maintenues. Ce sont les femmes qui sont complémentaires des hommes et non l'inverse. Le « génie » féminin, que vantent les papes successifs, est en réalité celui du service des autres et du ménage. Tout ce discours se focalise sur le corps des femmes, et non sur leur tête.
Le Pape François, s'adressant à une assemblée des représentantes de 700 000 religieuses, leur a demandé de ne pas être des « vieilles filles infécondes », tout en ayant une « chasteté féconde ». Ces femmes, qui dirigent pourtant des communautés, sont ramenées encore une fois à leur corps. L'expression de « vieilles filles » renvoie à une image assez méprisante. Plutôt que de mettre en valeur leurs responsabilités, le pape les maintient dans des images sexuées : la vierge, la mère, la vieille fille.
Le Pape a également comparé l'Union européenne à une « grand-mère inféconde » à plusieurs reprises. L'image est encore une fois méprisante, car les grands-mères ont par définition été fécondes. Cette comparaison renvoie en réalité à une femme ménopausée. Les mots parlent d'eux-mêmes. Ce discours n'est jamais tenu envers les hommes. En effet, pourquoi ne pas comparer l'Union européenne à un grand-père infécond ?
Quand le Pape François décrit en 2014 la famille idéale, c'est à l'image de la famille des années 1950 : le papa travaille, la maman fait la cuisine et s'occupe de toutes les choses de la maison, repasse les chemises... À une femme qui lui demandait conseil pour que son fils se marie, le Pape a répondu : « Arrêtez de repasser ses chemises, vous verrez, il se mariera. » Personne ne relève ce genre de propos. Il y en a même que cela fait rire... On n'ose plus trop le dire aussi clairement, mais la conclusion s'impose : la place des femmes est quand même à la maison.
De retour d'un voyage aux Philippines, le 19 janvier 2015, le Pape, après avoir rencontré une femme enceinte de son huitième enfant malgré sept césariennes, a confié à des journalistes : « Certains croient, excusez-moi du terme, que, pour être de bons catholiques, ils doivent être comme des lapins ». Mais le Magistère interdit la contraception : on est là encore dans une double injection paradoxale.
Le contrôle du corps des femmes est devenu un enjeu du corps clérical. Depuis l'encyclique Humanae vitae de 1968, la contraception et l'avortement sont interdits par l'Église. Rien ne bouge. Il y a en ce moment au Brésil 1,5 million de personnes touchées par le virus Zika. Le Pape, de retour de son voyage en Amérique Latine, a affirmé dans des propos très culpabilisants et violents pour les femmes : « L'avortement n'est pas un mal mineur, c'est un crime, c'est un mal absolu. Tuer pour faire disparaître l'autre, c'est ce que fait la mafia ». Le représentant permanent du Saint-Siège aux Nations Unies a, pour sa part, rappelé que l'abstinence sexuelle était le meilleur moyen d'éviter la contamination. Mais cela n'a pas d'utilité pour protéger les femmes quand les violences sexuelles sont monnaie courante et qu'on estime que le quart des demandes d'avortement est consécutif à des viols.
L' « affaire de Récife », qui remonte à 2009, est emblématique de la position de l'Église sur cette question. Les médecins ont pratiqué un avortement sur une fillette de neuf ans pour lui sauver la vie. Elle était enceinte de jumeaux suite aux viols répétés de son beau-père. L'archevêque de Recife et d'Olinda a excommunié publiquement l'équipe médicale et la mère a rendu publique cette excommunication. Le cardinal Ré, alors préfet de la Congrégation des évêques, a justifié cette excommunication en disant que « le viol est moins grave que l'avortement », considérant que « l'excommunication pour ceux qui ont provoqué' l'avortement est juste ». Le vrai est là : l'indifférence à la vie-même des filles et des femmes.
Chaque fois qu'elle le peut, dans les enceintes internationales, l'Église lutte contre les droits des femmes. En 1993, la législation polonaise est revenue sur l'avortement en le durcissant, dans la continuité des prises de position du Pape polonais Jean-Paul II qui pratique un lobbying extrêmement fort, à travers notamment le mouvement pro-vie soutenu par le Vatican. Cette trouvaille linguistique s'est révélée d'une grande habilité : personne ne peut affirmer être contre la vie. Ces mouvements sont actifs et puissants, ils ont essaimé en particulier en France.
Dans la même année, après la Conférence du Caire de 1994, et en vue de celle de Pékin, Jean-Paul II publie une exhortation, Evangelium vitæ (25 mars 1995), sur « la valeur et l'inviolabilité de la vie humaine », une Lettre aux prêtres à l'occasion du Jeudi saint (25 mars 1995) et une Lettre aux femmes (29 mars 1995). Notre livre, Le Déni, les commente en détail. Ces textes sont hostiles à la contraception. Prétendre contrôler le corps des femmes est la définition la plus archaïque du patriarcat.
Chantal Jouanno, présidente . - Depuis quelques années, on assisterait donc selon vous à une radicalisation du discours catholique sur les questions concernant notamment les femmes. Comment expliquez-vous la montée en puissance de cette tendance ?

Alice Chablis . - Jean-Paul II a entrepris une rupture totale avec l'esprit de Vatican II, qui symbolisait l'ouverture de l'Église au monde moderne et à la culture contemporaine. J'ai connu cette ouverture. Mais j'ai vu la régression de l'Église qui a commencé avec l'élection de Jean-Paul II. Il a beaucoup travaillé avec les prêtres, il a changé leur formation et a promu un point de vue différentialiste sur les femmes. À l'écouter, il y aurait deux humanités, une humanité masculine et une humanité spécifiquement féminine, avec des caractéristiques propres. Depuis quarante ans, les forces réactionnaires ont gagné dans l'Église. On observe une attitude d'obéissance au Magistère, sans questionnement ni débat possible. Le Pape François, bien qu'ayant un discours plus pastoral, reste fidèle à cette logique différentialiste. Nous ne croyons pas qu'il fera avancer la cause des femmes.
Chantal Jouanno, présidente . - Pouvez-vous en dire plus sur la situation en France ?

Alice Chablis . - Les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) et le soutien aux communautés nouvelles ont changé les choses. Parallèlement, les mouvements d'action catholique ont perdu beaucoup d'audience. Comme aumônier auprès des jeunes, j'ai pu constater l'évolution après la création des JMJ : les jeunes qui venaient étaient moins ceux des banlieues que ceux des quartiers chics. Ils réclamaient des pratiques comme le chapelet et le rosaire ; la réflexion ne les intéressait plus vraiment.
Maud Amandier . - Il n'y a plus en France de grandes voix de théologiens comme ceux qui ont inspiré le concile Vatican II. On a l'impression qu'il n'y a plus vraiment de pensée.

Alice Chablis . - La France a pourtant été un lieu de réflexion très important entre 1945 et le concile Vatican II.
L'Église aujourd'hui défend la famille, les valeurs morales. Si l'Église est contre l'avortement et la contraception, c'est donc qu'elle souhaite protéger la vie des enfants. Pourtant, elle a du mal à situer le problème moral que constitue la pédophilie. Il faut la renvoyer à ses contradictions. Elle souhaite préserver la vie des enfants, mais pourquoi ne protège-t-elle pas les enfants victimes de la pédophilie ? Or c'est l'un de ses problèmes récurrents depuis au moins quarante ans.
Sous le pontificat de Jean-Paul II, il y a des plaintes pour pédophilie, notamment aux États-Unis, qui causent à l'Église des torts financiers considérables - faillite de sept diocèses, ainsi que des torts moraux. Jean-Paul II a alors fait appel au cardinal Ratzinger (futur Benoît XVI) afin qu'il centralise tous les dossiers de pédophilie pour gérer cette crise. Mais rien n'a été géré, à l'image du scandale de la congrégation des Légionnaires du Christ, qui bénéficie de nombreux appuis à Rome. Le déni de la sexualité est l'une des clés de l'autisme des clercs, comme le sont la culture du secret et l'impunité. L'Église n'a réagi récemment que sous la triple pression médiatique, financière et judiciaire. Elle vient d'annoncer la création d'un organisme censé écouter les victimes de pédophilie. Je me demande si cette organisation permettra d'apporter aux victimes l'écoute dont elles ont besoin. Je pense qu'il faut être formé pour ça.

Maud Amandier . - L'enjeu de l'Église n'est pas tant la défense des enfants que le contrôle du corps des femmes et de leur sexualité, de la sexualité des couples et celle des homosexuels. La sexualité « illégitime » n'est acceptée que cachée. Si les couples de divorcés remariés posent autant question, c'est bien parce que leur sexualité apparaît au grand jour. Alice Chablis . - Un mouvement comme celui de La manif pour tous , qui a été encouragé par les évêques de France, reflète l'importance cruciale, pour l'Église, de la famille et du mariage tels qu'elle les pense, « naturels » et « voulus de toute éternité », mais en réalité issus de constructions sociales assez récentes. Le mariage et la famille restent en effet des thèmes récurrents du discours ecclésial. C'est ce qui a permis aux lobbys catholiques de s'organiser pour créer un mouvement de désinformation.


Chantal Jouanno, présidente . - Quelles ont été les réactions lors de la parution de votre livre ?

Maud Amandier . - Le magazine Le Point a consacré au Déni , dans son numéro du 9 janvier 2014, un dossier de trois pages, publiant des extraits du livre assortis d'une tribune à charge, qui est parue quelques jours avant la sortie du livre. Les librairies religieuses ont refusé de mettre en place notre ouvrage. Nous avons été plusieurs fois censurées. Deux émissions de radio ont été déprogrammées et plusieurs articles qui devaient présenter notre livre ne sont pas parus. Malgré tout, le livre s'est bien vendu. Il a bénéficié d'un écho important dans la société civile, relayé dans plus d'une cinquantaine d'émissions et de critiques. Il a été réimprimé plusieurs fois.
Pour réagir à la violence de la tribune du Point , nous avons écrit à Mme Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes, pour dénoncer les attaques sexistes insupportables contenues dans cette tribune et le dénigrement intellectuel apparaissant derrière des expressions telles que « les lèvres qui bougent ». Jean Moingt, grand théologien, qui signe notre préface, y est présenté comme un simple « jésuite, grand défenseur de l'égalité des sexes devant le trône de Saint Pierre ».

Brigitte Gonthier-Maurin . - Comment le livre a-t-il été reçu par La Croix ?
Alice Chablis . - Le journal a publié un article dénigrant sur notre soi-disant mauvaise foi. Citons La Croix : « À de trop nombreuses reprises, elles cèdent à une lecture quasi fondamentaliste des textes du Magistère qu'elles ont retenus, isolant une phrase ou une expression de leur contexte et forçant l'interprétation dans leur sens. Il en ressort une vision plus que caricaturale de l'Église catholique, qui minimise aussi le rôle qu'elle a joué historiquement dans l'émancipation des femmes. La juste cause d'une plus grande égalité des sexes dans l'Église méritait mieux ».

Maud Amandier . - Il nous a été systématiquement opposé, après la parution du livre, l'argument selon lequel nous n'avions pas mentionné le fait que l'Église aurait émancipé les femmes. Un évêque nous a reproché de ne pas avoir écrit « une étude sur les pratiques concrètes de l'Église à travers les âges, en faveur de la promotion des enfants, des filles et des femmes ». Mais dire que l'Église a libéré les femmes est un story telling qui évite de comprendre que ses structures et ses lois les discriminent. L'Église a combattu des lois qui donnaient une autonomie aux femmes. Et elle continue de le faire s'agissant des droits sexuels et reproductifs. Quand l'institution se donne le beau rôle en matière d'émancipation des femmes, elle est dans le déni de ce qu'elle pratique concrètement : la séparation et la hiérarchisation des sexes.

Alice Chablis . - Nous avons eu la surprise de découvrir, en 2015, avant le synode, dans L'Osservatore Romano , le journal officiel du Vatican, une page entière sur notre livre. Celui-ci n'a pas été traduit en italien : cette réaction prouve qu'il les a quand même dérangés. Là encore, on a pointé notre manque de raison, d'analyse historique, une reconstruction de « l'affaire de Récife ». La conclusion de l'article est donc que, sûrement, nous voulions être prêtres, et que ce livre reflétait notre frustration. L'accusation selon laquelle nous serions frustrées de ne pas être prêtres nous a régulièrement été renvoyée, car l'égalité est un impensé dans l'Église. Notre demande est la reconnaissance d'une commune humanité et d'un droit à l'égalité pour tous et toutes.

Brigitte Gonthier-Maurin . - Si les réactions ont été si violentes, c'est que cela faisait probablement écho...

Maud Amandier . - Voilà ce qu'écrit la journaliste de L'Osservatore Romano : « Il s'agit là d'un féminisme assez stéréotypé, totalement dépendant des idéologies laïques féministes ». Elle conclut son article par « La seule raison pour laquelle Amandier et Chablis se sentent encore catholiques est l'aspiration des femmes à la prêtrise, qui est considérée comme le seul moyen pour les femmes d'améliorer leur situation dans l'Église ».

Alice Chablis . - Ce « féminisme » catholique se fonde sur une ultra-différencialisation des rôles féminin et masculin. Pour l'Église, si vous êtes une femme et que vous parlez de tous ces sujets, vous êtes obligée de valider cette répartition différentialiste des rôles.

Maud Amandier . - En direct sur RCF, le directeur du pôle Recherche du Collège des Bernardins, après que j'ai pris la parole pour présenter notre travail de recherche, a commencé par dire : « Je ne sais pas si ces dames ont beaucoup réfléchi ». Voici ce que j'ai répondu : « Je voudrais vous rassurer, nous avons beaucoup réfléchi et nous n'avons pas mis notre cerveau dans notre tablier ». En off , il a ajouté « Madame, vous m'avez agressé au lieu d'élever le débat plus haut ».

Alice Chablis . - Nous avons pu, à l'occasion de débats sur notre livre, relever à quel point l'Église est un lieu où il n'existe plus aujourd'hui aucun questionnement. Si vous n'êtes pas en accord avec la pensée générale, vous êtes mis à l'écart.
Après le rejet du livre, nous avons pu constater qu'il y avait une diffusion et une reprise de nos idées, sans que pour autant nous soyons citées. Heureusement, il y a quand même eu beaucoup de réactions très positives lors de la parution. Nous avons été invitées à parler devant des protestants.

Maud Amandier . - Pour les catholiques, la légitimité vient du prêtre, ce qui complique la prise de parole de ceux qui ne le sont pas, et donc surtout des femmes.
Il faut renvoyer l'Église à la question du droit, qui institue une discrimination profonde des femmes : le Dictatus papæ du XI ème siècle, le Concile de Trente, le Concile Vatican I, puis celui de Vatican II. L'égalité reste un impensé dans l'Église.

Chantal Jouanno, présidente . - Pouvez-vous parler de l'attitude du Saint-Siège à l'égard du droit international concernant les droits des femmes ? Alice Chablis . - Le Saint-Siège ne ratifie pas la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1979 ni celle d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, sinon il devrait changer son droit. Il combat les droits sexuels et reproductifs. L'avortement est selon lui le mal absolu. Chantal Jouanno, présidente . - Nous avons constaté à la délégation que la question de la place de la femme se pose partout, quel que soit le culte. Merci beaucoup d'être venues jusqu'à nous.